Catégorie : La saga du ski

La saga du ski… des anecdotes, des histoires oubliées, les grands premiers et les premières fois …

  • Le ski alpin entre aux Jeux olympiques à Garmisch-Partenkirchen en 1936

    Le ski alpin entre aux Jeux olympiques à Garmisch-Partenkirchen en 1936

    C’est dans la tempête internationale de 1936 que le ski alpin va faire son entrée aux Jeux olympiques de Garmisch-Partenkirchen. Des jeux sous tension qui offrent à Hitler une première opportunité de dévoiler au monde l’idéologie nazie avant la démonstration totale lors des JO d’été à Berlin quelques mois plus tard .

    Des Jeux olympiques controversés sous l’emblème hitlérien

    Même si des voix se sont élevées pour protester contre « l’entreprise de propagande nazie » que représente l’attribution des JO d’hiver de 1936 à Garmisch-Partenkirchen, le CIO, qui a pris sa décision en 1931, campe sur ses positions. L’organisation en a été confiée à Joseph Goebbels en personne, le ministre de la propagande du IIIe Reich qui a pressenti le potentiel des Jeux olympiques en termes de politique internationale. Mais beaucoup de gens considéraient ces Jeux comme une répétition générale des JO d’été de Berlin.
    Des personnalités, telles l’Anglais Arnold Lunn, père du ski alpin, appelèrent au boycott. En vain : les responsables olympiques arguèrent de l’affirmation des dirigeants du Reich qu’ils ne pratiqueraient pas la discrimination raciale et les jeux furent maintenus.

    L’entrée mouvementée du ski alpin

    Une naissance laborieuse

    Absent des Jeux olympiques d’hiver  depuis leur création en 1924 en raison de l’opposition des pays nordiques et de Pierre de Coubertin lui-même, le ski alpin trouve enfin place dans le programme officiel des JO de 1936 grâce à l’opiniâtreté d’Arnold Lunn, l’inventeur du slalom en 1922. A cette époque les jeux d’hiver étaient confiés au pays organisateur des jeux d’été. C’est pourquoi, l’Allemagne a qui le CIO avait attribué dès 1931 les jeux d’été de 1936 à Berlin, eut en charge l’organisation de ces jeux.

    La controverse de l’amateurisme

    Ces débuts olympiques du ski alpin ne se passent pas dans le calme. Avant la compétition, un différend oppose le CIO et la Fédération Internationale de Ski (FIS).
    Estimant la règle de l’amateurisme bafouée par la présence de moniteurs de ski suisses et autrichiens considérés comme professionnels et qui figurent parmi les vedettes du ski alpin de l’époque, ceux-ci sont interdits de compétition par le CIO. Malgré les protestations de la FIS, la règle ne change pas et cette décision pénalise les délégations autrichienne et suisse dont l’ensemble des skieurs se retire des compétitions. C’est pourquoi l’année suivante, la FIS décide de créer les Championnats du monde auxquels seront admis les moniteurs. Le conflit entre le CIO et la FIS se poursuivra au-delà de ces jeux et le ski alpin ne sera plus inscrit au programme des jeux olympiques de 1940 finalement annulés par la deuxième guerre mondiale.

    Des Jeux olympiques en vitrine du nazisme

    Des chiffres records dans un climat tendu

    Des préparatifs imposants

    Pour ces Jeux olympiques, où le record de participation fut largement battu (646 athlètes contre 464 à Saint-Moritz en 1928), tous les moyens financiers et techniques réclamés par Goebbels furent acceptés. D’importantes infrastructures virent le jour : stade de neige pouvant accueillir 100 000 spectateurs, stade de glace couvert, piste de bobsleigh. Ce furent aussi les premiers Jeux d’hiver à avoir un film officiel et des journalistes radio couvrant les compétitions depuis les gradins.

    Des spectateurs en nombre

    Pour permettre aux spectateurs de se rendre sur les lieux de compétition, des trains spéciaux sont affrétés de Munich toutes les 10 minutes vers Garmisch-Partenkirchen. Les affluences sont énormes, notamment pour le saut  skis, suivi par près de 150.000 personnes.

    Des jeux sous contrôle

    Lors de la cérémonie d’ouverture, la croix gammée est omniprésente. Accueilli par les spectateurs, le bras tendu, Hitler ouvre « ses » Jeux. Les organisateurs allemands avaient pris conscience qu’un seul incident pourrait accentuer les mouvements de boycott et mettre en danger les jeux d’été de Berlin. Les démonstrations publiques d’antisémitisme seront donc contenues pour garder un climat hospitalier et donner une image positive du pays.

    Les disciplines

    646 athlètes (contre 484 en 1928 à Saint Moritz) , 566 hommes et 80 femmes issus de 28 pays s’affrontent au cours de 17 épreuves réparties sur 4 sports différents. Le hockey, patinage artistique, patinage de vitesse, curling, bobsleigh, ski alpin, ski de fond, saut à ski, combiné nordique sont les disciplines au programme.
    Le biathlon et le curling seront mis en sports de démonstration.

    Les compétitions de ski alpin

    Si des épreuves masculines et féminines sont programmées, seul le combiné, alliant descente et slalom, donne droit aux médailles.

    Le combiné femme

    Les descentes femmes et hommes se déroulent le même jour, devant 40 000 spectateurs massés le long de la piste de 3300m et 820 m de dénivelée. L’allemande Christl Cranz est la grande favorite. A 21 ans, elle compte déjà quatre titres mondiaux à son palmarès après avoir dominé le slalom et le combiné à Saint-Moritz (Suisse) en 1934, puis la descente et encore le combiné à Mürren (Suisse) en 1935. Pourtant c’est la jeune norvégienne de 17 ans Laila Schou-Nilsen, détentrice de 5 records du monde de patinage de vitesse qui s’assure une avance confortable de 19 secondes sur l’allemande victime d’une chute et qui ne se classe que cinquième.
    Mais le slalom est l’occasion d’un étonnant retournement de situation. L’allemande étincelante entre les piquets des deux manches, parvient à combler son retard et gagne la médaille d’or du combiné, rejetant la jeune norvégienne à la troisième place.

    Le combiné homme

    Emile Allais, jeune savoyard de 23 ans déjà prometteur, concourt à ces premiers jeux. Après la descente où il perd beaucoup de temps sur les faux plats, il est classé quatrième à plus de 11 secondes du norvégien Birger Ruud qui ne s’est mis au ski alpin que depuis un an et a devancé tous les coureurs en sautant un rocher au lieu de le contourner! Un allemand Franz Pfnür, arrive deuxième à 4 secondes du premier
    Le slalom messieurs, qui se déroule devant 70 000 spectateurs , inverse la tendance et conduit au triomphe allemand dans le combiné: Franz Pfnür (26 ans) s’impose devant son compatriote Gustav Lantschner. Le français Émile Allais est médaillé de bronze alors que le Norvégien Birger Ruud recule à la quatrième place.
    La Norvège sera le grand vainqueur du classement général des nations avec 15 médailles devant l’Allemagne et la Suède.

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  • La longue et difficile naissance des Jeux olympiques d’hiver

    La longue et difficile naissance des Jeux olympiques d’hiver

    Lorsque Pierre de Coubertin relança les « Jeux olympiques de l’ère moderne » tous les quatre ans depuis 1896, il fallut attendre 28 ans pour que les premiers Jeux olympiques d’hiver, pure création sans passé historique, s’ouvrent à Chamonix, le 25 janvier 1924. Et 1936 pour voir enfin le ski alpin arriver comme une discipline olympique sur la scène internationale.

    Les Jeux du nord en Scandinavie

    Depuis 1901 les pays nordiques organisaient des jeux d’hiver tous les 4 ans, rassemblant les pratiques sportives du moment sous le nom de Jeux du nord. Bien que déclarée compétition internationale, cette rencontre qui regroupait presque quasi exclusivement des athlètes suédois, se voulait être une démonstration de la prééminence des skieurs scandinaves dans les disciplines hivernales. Fidèles à leur propre organisation, ils refusèrent de renoncer à leur monopole dans ces compétitions internationales et s’opposèrent vivement au Comité International Olympique (CIO) qui souhaitait faire des sports d’hiver une rencontre aux couleurs olympiques.

    Les réticences de Pierre de Coubertin

    Mais les scandinaves ne furent pas les seuls à s’élever contre cette idée. Pierre de Coubertin, lui-même était fermement opposé à la création de ces JO.
    Il craignait une dénaturation de l’idéal olympique par une exploitation trop mercantile de l’or blanc !! Il écrivit d’ailleurs dans “la Revue olympique” de mars 1914 quelques lignes sans équivoque à ce sujet : “(….) il n’y a pas de doute que le nombre de ceux qui s’adonnent aux sports d’hiver a grandement augmenté(…).
    Mais il n’ y a pas de doute non plus que beaucoup de stations d’hiver où régnait jusqu’ici un esprit nettement sportif ont décliné rapidement à cet égard. La faute n’en est pas aux sportsmen eux-mêmes, du moins directement, mais bien aux hôteliers sur enchérisseurs et à la nouvelle clientèle qu’ils ont formée(…)”.

    La semaine des Jeux d’hiver de Chamonix en 1928

    Il faudra toute la persévérance de certains hommes pour vaincre les réticences des uns et des autres.
    En 1924 à l’occasion de la VIIIème olympiade d’été de Paris, une première édition de compétition internationale de sports d’hiver eut lieu à Chamonix. Patronnée par le CIO, elle ne prit toutefois pas le nom de JO d’hiver mais celui de la “Semaine Internationale des sports d’hiver”. Pourtant les organisateurs mirent tout en œuvre pour que cet événement soit considéré comme les premiers Jeux olympiques d’hiver.
    Face au succès de cette édition, applaudie par toutes les nations engagées et surtout les nordiques, la direction du CIO finalement décida d’offrir, un an plus tard, à Chamonix cette reconnaissance.
    Chamonix fut donc reconnue rétrospectivement comme la première ville à avoir accueilli officiellement les premières olympiades d’hiver en 1924.

    Le rôle décisif d’Arnold Lunn

    Cet anglais, skieur de la première heure a joué un rôle très important dans l’avènement des premières compétitions de ski  et de l’organisation de ce sport autour des clubs, règlements et trophées. C’est lui qui introduisit la technique des virages dans les compétitions, en organisant la première course de slalom chronométrée sur une pente aménagée de Mürren en 1922.
    En 1928 il s’associa avec Hannes Schneider le créateur de la fameuse technique de ski dite de l’Arlberg  pour mettre sur pied la descente de l’Arlberg-Kandahar qui rameuta les autrichiens et les meilleurs skieurs du monde et notamment les scandinaves.
    Fort de cet engouement international, il se rapprocha de la FIS organisatrice de la semaine des jeux d’hiver de 1928 à Saint-Moritz. Son souhait était de faire intégrer les 2 disciplines de descente et slalom de ski alpin dans les prochains jeux d’hiver : mais les scandinaves, très conservateurs, restaient peu réceptifs à cette idée, surtout celle-ci venant d’un anglais…
    Mais Lunn était fin diplomate et ne précipita pas les choses…
    En 1931 on lui confia l’organisation des premiers championnats du monde de ski alpin à Mürren et les observateurs norvégiens furent conquis par ces skieurs qui s’élançaient sur les pentes de la descente à toute vitesse. Dès lors, ils finirent par accepter que ces disciplines alpines soient dorénavant incluses dans les Jeux olympiques. Et la décision sera prise de les mettre alors pour la première fois au programme lors des jeux d’hiver de 1936 à Garmisch- Partenkirchen. 

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    Il était une fois Émile Allais

  • Il était une fois Emile Allais, skieur…

    Il était une fois Emile Allais, skieur…

    Il a écrit les premières lettres d’or du ski français. Véritable légende, champion d’exception, il a participé à l’éclosion du ski alpin dans les Alpes. Idole de ce sport qui faisait alors rêver les foules, ébahies par l’audace de ces skieurs dessinant librement leurs traces sur les pentes vierges des montagnes.

    Emile, petit mégevan sportif

    Emile Allais est né en 1912. Très tôt passionné par tous les sports, il étrenne à 7 ans sa première paire de skis. C’est dans le four de son père boulanger que le mitron courbe la spatule de 2 planches de frêne trouvées chez le menuisier du village. Emile y ajoute des courroies pour tenir ses chaussures et fait ses premières balades avec son oncle, revenu de la guerre en Russie avec quelques rudiments de technique à ski !
    A l’époque, c’est le saut à ski et le ski de fond qui prévalent dans les montagnes. Emile pratiquera ces deux disciplines avec plaisir mais sans véritable engagement.
    Sous l’impulsion de la baronne de Rothschild qui ouvre en 1926 son hôtel du Mont d’Arbois , Megève prend son essor comme station de ski. En 1926-1927 Émile accompagne sur les skis, comme porteur de bagages, les premiers clients de l’hôtel. C’est alors que l’un des moniteurs autrichiens de l’hôtel lui enseigne comment tourner selon la technique de l’Arlberg en vigueur à l’époque. Déjà Émile semble prometteur puisqu’en fin de saison , engagé dans la course des moniteurs (autrichiens) de la station, il termine second à la côte 2000!
    Plus tard devenu boulanger comme son père, il comprend que l’avenir est au ski. Il vend alors sa boulangerie et s’installe comme hôtelier après la construction de son hôtel dans les années 30.

    Une progression foudroyante : les premières médailles

    En 1933, son service militaire le conduit dans la section des skieurs-éclaireurs des chasseurs alpins, où il pratique du ski durant toute la période hivernale. Remarqué pour son bon niveau technique, il intègre alors l’Équipe de France de ski alpin en descente et en slalom. Il fait sa première course internationale aux championnats du monde de Saint-Moritz en 1934.
    En 1935 , il termine second aux championnats du monde à Mürren et obtient ses deux premières médailles d’argent en descente et en combiné.
    En 1936, aux jeux olympiques de Garmisch-Partenkirchen  il gagne le bronze de la 3éme place du combiné, descente et slalom, seule discipline olympique alors.
    Emile a repéré chez le champion Anton Seelos, un autrichien doublement médaillé d’or en slalom et combiné aux championnats du monde de 1933 et 1935, une technique de ski différente des autres. Les skis bien parallèles, une “rotation-ruade” pour déclencher le virage, Seelos l’impressionne par cette technique qui semble plus efficace que le stem en vigueur! Il fait part de ses remarques aux dirigeants de la fédération pour les inciter à aller vers un ski plus moderne!

    La consécration du triple sacre à Chamonix

    Alors, face à la montée en puissance de ses 6 coureurs, l’ Équipe de France décide de leur offrir deux entraîneurs parmi les skieurs les plus capés: Toni Seelos et Rudolf Rominger un suisse champion du monde en 1936 et également adepte de “la ruade”.
    Le résultat ne se fait pas attendre et en 1937, lors des championnats du monde à Chamonix, Emile Allais gagne le slalom, la descente et le combiné et devient triple médaillé d’or! Pendant que les supporters suisses et autrichiens pleurent la défaite de leurs champions, la ferveur française est à son apogée! Le petit garçon sportif qui rêvait de la plus haute marche du podium voit son rêve s’accomplir. De retour sur ses terres mégevannes la fête fut grandiose et en cadeau il reçut…un appareil photo!!!

    De la compétition aux enseignements

    Création de l’ESF

    Forts de ces victoires historiques, Paul Gignoux, Emile Allais et Toni Seelos vont élaborer par écrits et images une méthode nouvelle et française de technique de ski pour remplacer la désormais obsolète méthode de l’Arlberg . Le but étant de créer aussi dans la foulée une école nationale d’enseignement et de former tous les moniteurs selon les règles de cette nouvelle méthode.
    C’est le 1er août 1937 que l’Ecole nationale du ski français  voit le jour. Dispensé d’examen pour la première session en décembre, la médaille numérotée 1 sera pour Emile Allais désormais à jamais 1er moniteur ESF français.
    Une seconde blessure en 1939 et l’entrée de la France en guerre met définitivement fin à sa carrière sportive

    Après la guerre: l’expérience outre atlantique

    Il sera mobilisé dans les chasseurs alpins pendant la guerre de 39-45, participera à la libération avec le bataillon du Mont-Blanc et à l’armistice deviendra directeur technique de l’Ecole Nationale de Ski et d’Alpinisme.
    Puis sa notoriété mondiale va l’envoyer au Canada pour développer la station de ski Valcartier, puis au Chili pour celle de Portillo. Elle le poussera ensuite jusque sur le continent américain. Il créera ainsi les stations de Squaw Valley en Californie et Sun Valley en Idaho.
    Il formera les équipes nationales canadienne ( 1948), chilienne et américaine (1952) aux compétitions internationales.

    Retour en France: naissance de Courchevel

     La France le rappelle: il va revenir fort de nouvelles techniques et manières de faire américaines qu’il va, en novembre 1954, mettre au service d’une station émergente, Courchevel et les Trois Vallées.
    A grands coups de bulldozer il va redessiner les montagnes l’été, tracer des pistes et les engazonner. Damer celles ci l’hiver en utilisant des rouleaux de bois manoeuvrés par des pisteurs. Renforcer la sécurité en définissant le métier de pisteur-secouriste. Et prendre à son compte les pensées de son ami Walt Disney, visionnaire avant l’heure, qui disait qu’il fallait faciliter les choses aux gens en regroupant les services ( location, forfait, logement, …) et leur faire plaisir!!

    Le ski, jusqu’au bout…

    Son expertise de skieur champion sera ensuite sollicitée par d’autres stations devenues grandes: Flaine, Vars, La Plagne….
    Bien sûr il se pencha aussi sur l’évolution du matériel et fut à l’origine de l’introduction des skis métalliques mis au point aux Etat Unis. Repris par la marque Rossignol, les célèbres Allais 60 équipèrent Jean Vuarnet médaillé olympique aux JO de 1960.
    Jusqu’au bout, il participa à des compétitions de ski et s’éteignit quelques mois après ses cent ans.

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  • Le ski au féminin, de la jupe au fuseau

    Le ski au féminin, de la jupe au fuseau

    En cette fin du 19éme siècle, les Anglais envahissent les Alpes à la recherche de l’air pur et de nouvelles sensations que l’on peut résumer en trois mots: alpinisme, excursionnisme et thermalisme. Ce seront eux les précurseurs du développement du ski alpin et les anglaises les premières à se lancer sur les planches!

    Les anglaises skient en Suisse

    Les Britanniques sont les premiers voyageurs à parcourir le continent à la recherche de nouveaux horizons. L’attraction pour le Mont-Blanc est forte et dans les années 1910 Chamonix se place en tête des destinations favorites de cette clientèle riche et huppée qui escalade, randonne et fait des cures dans ces montagnes.
    Mais la Suisse, l’hiver, leur offre de meilleures conditions pour pratiquer le ski alpin, nouveau sport à la mode. A l’instar de leurs maris, les femmes anglaises vont tout naturellement s’exercer à dévaler les pentes enneigées skis aux pieds!
    Saint Moritz est alors la plus grande station de ski d’avant guerre. Les femmes vont alors troquer leurs jupes, corsets et grands chapeaux d’usage malcommode pour des jupes en gros drap voire pour des vestes et des pantalons .

    Le développement du tourisme alpin français à partir de 1910

    En 1910, Chamonix possède 34 hôtels dont seulement 5 restent ouverts durant l’hiver.
    C’est la baronne de Rothschild qui va quitter Saint Moritz en 1916 pour le petit village de Megève dont elle va faire la première station à la mode. Elle fera construire l’hôtel du Mont d’Arbois qui ouvrira en 1921 et réunira alors tout ce que compte d’ aristocrates et autres gens fortunés.
    Malgré la polémique qui tourne sournoisement, la plupart de ces femmes de la haute société vont réussir à s’affranchir des stéréotypes vestimentaires en portant le pantalon de ski au détriment de la jupe-culotte.
    Partout ailleurs, des Alpes aux Pyrénées, les stations de ski colonisent sûrement les montagnes.

    L’entre deux guerre: le ski alpin prend son essor

    Arnold Lunn: l’homme qui aimait les femmes

    En 1920, cet anglais skieur de la première heure reprend l’organisation de la première compétition de descente spécialisée à ski, le Roberts of Kandahar, créé par son père en 1911 à Mürren.
    Rapidement il se détermine pour que les femmes puissent aussi faire du ski en compétition et encourage la création du premier ski club féminin en 1923.
    En 1929 il propose la version féminine de sa célèbre course du Kandahar: les premières championnes sont donc évidemment britanniques.

    Les premières compétitions

    En France, les skieuses non montagnardes, comme celles du ski-club parisien (SCP) viennent défier les skieuses montagnardes sur leurs pistes, dans des courses de descente et de slalom.
    En 1936 le ski alpin fait son apparition aux Jeux Olympiques de Garmisch Partenkirchen. C’est la skieuse hitlérienne Cristl Crantz qui sera la première championne olympique du combiné seule discipline d’alors. Elle reste également, à ce jour, la plus titrée aux championnats du monde avec 12 médailles d’or.

    Les premières monitrices de ski

    En 1933 , l’École du Ski Français sort sa première promotion de moniteurs de ski.
    Georgette Thiolière, médaille numéro 107 sera la première femme monitrice en 1943. Seule femme sur les 133 moniteurs recensés jusqu’alors, mais qui ouvrira la porte à d’autres.
    Mais pas beaucoup: entre 1942 et 1953 seules 5 femmes obtiendront le diplôme contre 357 hommes. Et ce sont généralement des montagnardes, femmes, filles ou sœurs de moniteurs ou de guides.

    Le ski de compétition dans les années 1950-1960

    Dans les années 50, la médiatisation du ski alpin reste centrée sur les compétitions masculines.
    Mais 10 ans plus tard, deux françaises, les sœurs Goitschel, Christine et Marielle, vont faire entrer le ski féminin dans le cœur de toute une nation. Marielle Goitschel, plus beau palmarès de l’histoire du ski alpin féminin français avec notamment deux médailles d’or olympiques et sept titres mondiaux, propulse en six ans de carrière le ski à hauteur de son homologue masculin.
    Depuis, l’histoire ne s’est pas renouvelée, et le ski français féminin attend toujours de retrouver son lustre d’antan.

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  • Les moniteurs ESF ou la naissance d’un ski à la française

    Les moniteurs ESF ou la naissance d’un ski à la française

    C’est Hannes Schneider, un champion local  du ski club de l’Arlberg qui présente en 1922  “la technique de l’Arlberg”, une synthèse réfléchie des méthodes scandinaves du télémark de celle de Zdarsky, précurseur également autrichien…

    Le modèle autrichien

    La méthode fait fureur et l’école de Schneider reçoit des élèves de partout qui vont exporter cette technique jusqu’aux Etats Unis.
    Sur toutes les pistes on skie donc à l’autrichienne. Les premières stations se sentent obligées de créer des “écoles de ski” enseignant la technique Schneider. Et des pionniers français partent alors chercher en Autriche du côté d’Anton, leur diplôme de moniteur…
    Dans les années 30, la montagne s’éveille vraiment au ski alpin.
    Megève concurrence déjà Chamonix pour la conquête d’une clientèle chic. Qui demande
    l’enseignement du ski avec de “vrais” moniteurs autrichiens!
    Les écoles de ski fleurissent , jusqu’à 5 à Chamonix, 3 à Megève…

    Les français réagissent ou l’apprentissage par Frison-Roche

    Mais le modèle autrichien commence à en irriter quelques-uns qui vont explorer d’autres pistes que celle de l’Arlberg, dont un certain Roger Frison-Roche.
    A l’automne 31 celui-ci prend la tête de l’école de ski,créée par le Docteur Hallberg directeur sportif de l’Hôtel du Mont Revard.
    Ensemble, ils décident alors de codifier l’apprentissage du ski alpin et Frison-Roche mettra au point la technique du bond, un allègement du ski par élévation, en contradiction avec la rotation du stemm autrichien!
    Cet hiver 1933 la Fédération Française de Ski organise au mont Revard le premier examen pour l’obtention d’un diplôme de moniteur de ski, dont Frison-Roche sortira major et sera diplômé numéro 1.
    A partir de 1934-1935 les discours sur la méthode foisonnent, et des dissidents tel que Tony Ducia remettent en cause la technique autrichienne qui n’a pas jamais évolué.
    Pourtant en France, en haut lieu, on continue à ne croire qu’en la méthode de l’Arlberg. En 1935, un nouvel examen présidé par Hannes Schneider en personne, destiné à décerner les diplômes de moniteur-chef, recalera Roger Frison-Roche, dissident avéré de la technique de Schneider!

    Un premier champion olympique français nommé Emile Allais

    Arrive 1936, une date clé: la création des congés payés qui va enclencher la démocratisation du ski alpin. C’est aussi l’année des Jeux Olympiques d’hiver de Garmisch-Partenkirchen.
    Parmi la sélection française, Emile Allais, jeune skieur mégevan, qui obtient la médaille de bronze du combiné, première médaille olympique française en ski alpin.
    Allais vient ainsi de prouver la qualité de sa technique en partie affranchie des “dogmes” autrichiens.
    En 1937 il récidive lors des championnats du monde de ski alpin organisés en France: il gagne la descente aux Houches puis le slalom et donc le combiné, dans un style efficace et élégant.
    Y aurait-il une vraie méthode française? Forts de ces victoires historiques, Paul Gignoux, Emile Allais et Toni Seelos vont élaborer par écrits et images une méthode nouvelle et française de ski destinée à ranger la technique de l’Arlberg au grenier.

    Emile Allais: moniteur de ski ESF numéro 1

    Le but étant de créer aussi dans la foulée une école nationale d’enseignement et de former tous les moniteurs selon les règles de cette nouvelle méthode.
    Le 1er août 1937 l’Ecole nationale du ski français voit le jour garantissant l’unité d’enseignement et la valeur pédagogique et technique des moniteurs.
    Le diplôme FFS précédent est donc caduque, et en décembre 1937 tous les bons skieurs se retrouvent au col de Voza pour un enseignement de la nouvelle méthode pendant 3 semaines.
    Début mai 1938 une première promotion de 26 “moniteurs diplômés du ski français”reçoit une attestation et une médaille dorée.
    Dispensé d’examen, la médaille n°1 sera pour Emile Allais, restant ainsi à jamais le premier moniteur français ESF!

    Source: les pulls rouges de Gilles Chappaz

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  • Remonte-pente, tire-fesses, téléski…quand ils tiraient le(s) ski(s) vers le haut !

    Remonte-pente, tire-fesses, téléski…quand ils tiraient le(s) ski(s) vers le haut !

    Les skis existent depuis longtemps en tant que moyen de locomotion, bien avant qu’on ne découvre leur côté ludique. En 1907 les militaires français instaurent le premier concours de ski international à Montgenèvre dans les Hautes-Alpes, puis les Alpes reçoivent les premiers touristes-skieurs un peu partout dans ses différents massifs.

    Pour descendre il faut monter

    Les skieurs de l’époque suaient sang et eau pour monter les pentes enneigées!
    Rapidement, le besoin de trouver de quoi faciliter la remontée se fit sentir.
    Différentes techniques vont naître de l’ingéniosité d’inventeurs locaux: voitures-chenillettes et câbles motorisés tractent alors luges et skieurs au sommet des pentes.

    1930 les premiers remonte-pente apparaissent…

    Inventés en Suisse, ils colonisent rapidement les Alpes françaises: Megève, la Féclaz et le Sauze furent les premières stations à s’équiper.
    Une cabane de départ, de grands pylônes en bois, des perches accrochées à un câble ou des luges comme au Sauze, voici les premières images que l’on a de ces remonte-pente!
    Accoudoirs, ceintures, sellettes, divers accessoires sont testés pour accrocher le skieur à la perche et l’emmener vers des sommets encore modestes…
    Jean Pomagalski, entrepreneur grenoblois curieux, se rend un jour au col de Porte où Charles Rossat, un ingénieux charpentier avait mis en action en 1934 le premier téléski à attaches débrayables en détournant son système de débardage des rondins de bois à câbles.

    Une belle avancée technique: le système débrayable…

    Il enregistre la technique, l’améliore, et en 1936 installe à l’Alpe d’Huez sur la piste de l’Eclose le premier monte-pente à départ progressif et à anneaux débrayables. Pour produire ses téléskis en grande série, il s’associe ensuite avec Georges Dandelot qui fabrique des engins à câbles à Annecy. Pour augmenter la cadence des remontées, il réfléchit à un système de perches débrayables et en 1944 met au point un système, amélioré en 1950 qui aujourd’hui encore est utilisé par tous les téléskis débrayables du monde!
    En 1952 Pierre Montaz et Victor Mautino, anciens employés de Poma, montent leur propre société de construction de téléskis. Profitant de l’explosion des sports d’hiver, ils participent largement à l’équipement de nombreuses stations françaises avec le système Poma!

    Mais ils finissent par disparaître…

    A partir des années 80, les téléskis sont progressivement abandonnés au profit des télésièges dans les grandes stations. Il sont démontés et ne subsistent parfois que sur de petites liaisons ou dans des petites stations. Derniers témoins de nos premières glisses, il n’y a pourtant pas si longtemps…

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  • Naissance et développement du ski en France au début du 20ème siècle

    Naissance et développement du ski en France au début du 20ème siècle

    A l’aube du 20ème siècle, la France est en retard sur ses voisins alpins ( Autriche, Allemagne, Suisse, Italie) et d’autres pays de neige ( Russie, Suède, Norvège) quant au développement du ski sur son territoire.

    Malgré ses nombreux massifs montagneux propices à l’activité, malgré quelques précurseurs, le ski ne s’implante pas. Il faudra attendre la collaboration de deux acteurs de la vie montagnarde, l’armée et le CAF, pour qu’ enfin le ski prenne son envol sur notre territoire.

    Les précurseurs du 19ème siècle

    En 1878 , Henry Duhamel, alpiniste grenoblois, essaie sur les pentes de Chamrousse une paire de skis dénichés à l’exposition internationale de Paris sur le stand norvégien. Mais les pentes plus raides qu’en pays scandinave rendent la pratique quasi impossible. C’est en 1889 qu’enfin, il résout le problème des fixations qui lui permet de se freiner dans la pente.
    Il sera à l’origine du premier club de skieurs “ le Ski Club des Alpes”.
    Un certain docteur Pilet à Colmar, sensibilisé par l’exploit d’un Norvégien Frijtof Nansen qui en 1890 réussit la traversée du Groenland à skis, s’initie à cette pratique en forêt Noire.
    Mais en cette fin du 19ème, le ski reste plutôt le fait d’initiatives individuelles.

    Les Alpini italiens stimulent l’armée française

    En 1896 les chasseurs italiens utilisent dans les montagnes enneigées, des skis pour se déplacer plus facilement et donc plus rapidement. Les français, pour ne pas être en reste, imitent la technique qui doit leur permettre un contrôle plus efficace des frontières .
    Le Club Alpin Français, alors fervent admirateur des militaires alpins, décide alors de lancer les premières “courses d’hiver”.
    Parallèlement l’autorité militaire, par l’intermédiaire du capitaine Clerc, voit une autre vertu au ski: celle de lutter contre “la dégénérescence de la race montagnarde”.

    Du discours de l’hygiénisme à la pratique du ski

    A la fin du XIXe siècle les élites se veulent porteuses d’un nouvel ordre fondé sur le savoir scientifique et technologique. L’hygiénisme, alors en plein développement, intègre dans ses recommandations, les effets bénéfiques du sport, du soleil et de l’air pur.
    A l’époque, où parfois seul un enfant sur cinq arrive à vingt ans ‘bon pour le service’, le capitaine Clerc comprend vite l’utilité de la pratique du ski dans ce contexte et axe sa propagande autour d’elle.
    Afin de diffuser plus largement ce sport au sein de la société française, le capitaine Clerc va obtenir la création d’une École de Ski à Briançon et le soutien des plus importantes sociétés touristiques et sportives de l’époque, le CAF et le Touring Club de France.

    Quand l’armée s’empare du ski

    Le projet militaire est clair: la formation de soldats skieurs et la diffusion de la pratique du ski au sein de la population civile afin qu’elle lui fournisse en retour un contingent suffisant d’appelés sportifs et en bonne santé.
    Le succès de ces expériences militaires est complet. L’armée ne tarit d’éloges à l’encontre du visionnaire capitaine Clerc!
    Les soldats du 159ème RIA de Briançon brillent par leur entrain et leur endurance. Et les tests d’utilisation des skis lors de l’hiver 1902-1903 se révèlent très concluants.

    Le CAF communique au côté de l’armée

    Dans les vallées alpines reculées la vue des militaires à ski habitue peu à peu les montagnards à l’utilité de cette pratique.
    Le CAF va en montrer son intérêt social et sociétal.
    Dans sa Revue Alpine de 1903 elle pointe l’utilité de ces lames de bois comme facteur d’intégration, de désenclavement de ces zones montagnardes isolées par la neige de longs mois d’hiver durant. Les gens pourront continuer à échanger et à commercer, le curé et le médecin à se déplacer. La léthargie hivernale devrait s’alléger.
    Dès 1905 Le CAF et le TCF collaborent pleinement avec l’armée autour de la promotion du ski. Dans sa revue La Montagne, le CAF légitimise maintenant la pratique comme étant l’une de ses priorités en y insérant une rubrique Sports d’hiver.

    Le ski et les gens de la montagne selon le CAF

    Dès 1906 le CAF insiste sur l’intérêt touristique de la pratique: elle essaie aussi surtout de retenir ses touristes qui fuient en Suisse durant l’hiver!
    Les publications du CAF vont également vanter les vertus hygiéniques du ski: il a apporté la santé due à la vie en plein air… il participe au »renouvellement de la race”….avant d’en louer l’intérêt social: couper l’isolement des villages et des vallées pendant l’hiver…
    Le CAF semble chercher l’appui des montagnards pour favoriser le développement du tourisme en montagne…

    Le CAF inscrit le ski comme une activité de loisirs

    En janvier 1907 la revue la Montagne publie un extrait du Petit manuel du skieur rédigé par le capitaine Rivas qui démontre l’enjeu national que constitue cette activité sportive d’un point de vue social et militaire. Dès lors, l’association favorisera la fabrication de ces engins en mettant à disposition des communes du briançonnais des moules à skis comme décrits dans le manuel du militaire.
    Ainsi jusqu’en 1913, le CAF se positionnera en leader de la diffusion du ski sur le territoire en organisant des concours internationaux de skis ou en offrant des dotations aux villages montagnards. L’orientation vers un développement touristique du ski prend désormais le pas sur les motivations sociales et hygiénistes primitives.

    Bibliographie: à l’origine du ski français, le discours commun de l’armée et du Club Alpin Français ( 1902-1097) de Yann Drouet et Antoine Luciani
    https://www.cairn.info/revue-staps-2006-1-page-71.htm

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