Naissance et développement du ski en France au début du 20ème siècle

Skieurs militaires au début du 20ème siècle

A l’aube du 20ème siècle, la France est en retard sur ses voisins alpins ( Autriche, Allemagne, Suisse, Italie) et d’autres pays de neige ( Russie, Suède, Norvège) quant au développement du ski sur son territoire. Malgré ses nombreux massifs montagneux propices à l’activité, malgré quelques précurseurs, le ski ne s’implante pas. Il faudra attendre la collaboration de deux acteurs de la vie montagnarde, l’armée et le CAF, pour qu’ enfin le ski prenne son envol sur notre territoire.

Les précurseurs du 19ème siècle

En 1878 , Henry Duhamel, alpiniste grenoblois, essaie sur les pentes de Chamrousse une paire de skis dénichés à l’exposition internationale de Paris sur le stand norvégien. Mais les pentes plus raides qu’en pays scandinave rendent la pratique quasi impossible. C’est en 1889 qu’enfin, il résout le problème des fixations qui lui permet de se freiner dans la pente.
Il sera à l’origine du premier club de skieurs “ le Ski Club des Alpes”.
Un certain docteur Pilet à Colmar, sensibilisé par l’exploit d’un Norvégien Frijtof Nansen qui en 1890 réussit la traversée du Groenland à skis, s’initie à cette pratique en forêt Noire.
Mais en cette fin du 19ème, le ski reste plutôt le fait d’initiatives individuelles.

Les Alpini italiens stimulent l’armée française

En 1896 les chasseurs italiens utilisent dans les montagnes enneigées, des skis pour se déplacer plus facilement et donc plus rapidement. Les français, pour ne pas être en reste, imitent la technique qui doit leur permettre un contrôle plus efficace des frontières .
Le Club Alpin Français, alors fervent admirateur des militaires alpins, décide alors de lancer les premières “courses d’hiver”.
Parallèlement l’autorité militaire, par l’intermédiaire du capitaine Clerc, voit une autre vertu au ski: celle de lutter contre “la dégénérescence de la race montagnarde”.

Du discours de l’hygiénisme à la pratique du ski

A la fin du XIXe siècle les élites se veulent porteuses d’un nouvel ordre fondé sur le savoir scientifique et technologique. L’hygiénisme, alors en plein développement, intègre dans ses recommandations, les effets bénéfiques du sport, du soleil et de l’air pur.
A l’époque, où parfois seul un enfant sur cinq arrive à vingt ans ‘bon pour le service’, le capitaine Clerc comprend vite l’utilité de la pratique du ski dans ce contexte et axe sa propagande autour d’elle.
Afin de diffuser plus largement ce sport au sein de la société française, le capitaine Clerc va obtenir la création d’une École de Ski à Briançon et le soutien des plus importantes sociétés touristiques et sportives de l’époque, le CAF et le Touring Club de France.

Quand l’armée s’empare du ski

Le projet militaire est clair: la formation de soldats skieurs et la diffusion de la pratique du ski au sein de la population civile afin qu’elle lui fournisse en retour un contingent suffisant d’appelés sportifs et en bonne santé.
Le succès de ces expériences militaires est complet. L’armée ne tarit d’éloges à l’encontre du visionnaire capitaine Clerc!
Les soldats du 159ème RIA de Briançon brillent par leur entrain et leur endurance. Et les tests d’utilisation des skis lors de l’hiver 1902-1903 se révèlent très concluants.

Le CAF communique au côté de l’armée

Dans les vallées alpines reculées la vue des militaires à ski habitue peu à peu les montagnards à l’utilité de cette pratique.
Le CAF va en montrer son intérêt social et sociétal.
Dans sa Revue Alpine de 1903 elle pointe l’utilité de ces lames de bois comme facteur d’intégration, de désenclavement de ces zones montagnardes isolées par la neige de longs mois d’hiver durant. Les gens pourront continuer à échanger et à commercer, le curé et le médecin à se déplacer. La léthargie hivernale devrait s’alléger.
Dès 1905 Le CAF et le TCF collaborent pleinement avec l’armée autour de la promotion du ski. Dans sa revue La Montagne, le CAF légitimise maintenant la pratique comme étant l’une de ses priorités en y insérant une rubrique Sports d’hiver.

Le ski et les gens de la montagne selon le CAF

Dès 1906 le CAF insiste sur l’intérêt touristique de la pratique: elle essaie aussi surtout de retenir ses touristes qui fuient en Suisse durant l’hiver!
Les publications du CAF vont également vanter les vertus hygiéniques du ski: il a apporté la santé due à la vie en plein air… il participe au »renouvellement de la race”….avant d’en louer l’intérêt social: couper l’isolement des villages et des vallées pendant l’hiver…
Le CAF semble chercher l’appui des montagnards pour favoriser le développement du tourisme en montagne…

Le CAF inscrit le ski comme une activité de loisirs

En janvier 1907 la revue la Montagne publie un extrait du Petit manuel du skieur rédigé par le capitaine Rivas qui démontre l’enjeu national que constitue cette activité sportive d’un point de vue social et militaire. Dès lors, l’association favorisera la fabrication de ces engins en mettant à disposition des communes du briançonnais des moules à skis comme décrits dans le manuel du militaire.
Ainsi jusqu’en 1913, le CAF se positionnera en leader de la diffusion du ski sur le territoire en organisant des concours internationaux de skis ou en offrant des dotations aux villages montagnards. L’orientation vers un développement touristique du ski prend désormais le pas sur les motivations sociales et hygiénistes primitives.

Bibliographie: à l’origine du ski français, le discours commun de l’armée et du Club Alpin Français ( 1902-1097) de Yann Drouet et Antoine Luciani
https://www.cairn.info/revue-staps-2006-1-page-71.htm