Votre tomme, vous la préférez avec un M ou deux M ?

Vous faites peut-être partie des gens qui, comme moi, ne savent jamais si le fromage que je mange est une tomme avec deux M ou une tome avec un M... Pourquoi cette différence pour deux fromages qui, somme toute, ont plutôt l'air de se ressembler ? Une petite enquête au pays des to(m)mes m’a paru nécessaire et je vous livre ici ses conclusions….

La Tomme de Savoie

Une origine commune

L’étymologie de ces deux noms est plurielle.
En 1671, “toume” est un fromage frais. En 1784, on trouve les premières tommes avec deux “m” comme identifiant différents fromages en Savoie, Dauphiné, Provence et Limousin.
En 1850, on nomme “tome”en patois franc-comtois un fromage d’hiver façon gruyère.
À la fin du 19ème siècle, une tome, “toma” en occitan , désigne un fromage frais, caillé, pressé ou “touma” un fromage non pétri, mou, qui n’a eu qu’une première façon.
En patois savoyard, ce même “toma” évoque plutôt un fromage fabriqué dans les alpages.

La tome et la tomme : une origine géographique différente ?

Actuellement, le dictionnaire considère que ces deux noms se rapportent à un fromage fabriqué avec du lait d’animaux ayant pâturé en alpages.
Ce sont donc tous les deux des fromages de montagne.
En pratique, on remarque que l’on parle plutôt de tomme pour un fromage cylindrique fabriqué dans les Alpes ( Savoie, Dauphiné, Provence) et par extension dans les montagnes ( les Tommes Corse ou celles des Pyrénées).
Mais il y a des exceptions: la Tome des Bauges AOP, la Tome de Provence
Le terme “tome” lui sera plus usité dans sa signification originelle, pour un fromage frais, caillé, pressé comme le Cantal ou l’Aubrac.
La locution “ tome fraîche” fréquemment utilisée pour ces derniers est donc un pléonasme !

La tome et la tomme : une différence de lait ?

La Tomme de l'UbayeOn trouve des tommes et des tomes de vaches, de chèvres et de brebis.
Pourrait-il y avoir une spécificité de lait réservée à l’une ou l’autre des orthographes ?
Eh bien non… encore une fois…
Les vaches donnent leur lait pour faire de la Tomme de Savoie ou de l’Ubaye mais aussi de la Tome des Bauges AOP.
Les chèvres, elles, vous offrent leur Tome de Provence ou leur Tomme des Pyrénées.
Quant aux brebis, elles fournissent en Corse le lait pour la Tomme Corse et en Lozère pour la Tome de Lozère.
Donc ce n’est pas une question de lait…

La tome et la tomme : une question de forme ou de taille ?

Voilà une nouvelle piste à explorer…la forme ou la taille expliquerait-elle le doublement ou non de la consonne ?
On se représente une tomme ou tome comme un fromage de forme cylindrique.
On trouve des grosses, des moyennes et des petites tommes : la Tomme de Savoie, 20cm de diamètre sur 5 à 8 cm d’épaisseur, pèse entre 1,2 et 2 kg. La Tomme de Valberg est un fromage rond de 30-35 cm de diamètre pour un poids variant de 9 à 12 kg. Et la Tomme de Saint Marcellin, maintenant appelée “Saint Marcellin” tout court, est lui un petit fromage de 7-8 cm de diamètre pesant 80-90 grammes !!
Chez les tomes, là aussi la diversité existe : la petite Tome de Provence pèse 100g pour un diamètre de 7cm sur 1 à 2 cm d’épaisseur. Bien moins que la Tome des Bauges AOP, 18 à 20 cm sur 3 à 5 cm pour un poids allant de 1,1 à 1,4 kg mais bien moins encore que la Tome de la Vésubie aux mensurations respectables de 30 à 35 cm pour un poids de 9 à 12kg !!
Quant à la forme, seule la petite Tomme Arlésienne aussi dite de Camargue s’expose en carré. Les fromages, ronds au départ mais un peu à l’étroit sur leurs étagères de séchage ont pris, par manque de place cette forme carrée originale.
Là encore, pas de nom lié à une taille ou une forme particulière…

Au final on remarque qu’il y a bien plus de tommes que de tomes en France et qu’aucune spécificité ne permet réellement de les départager. Quant à la Tome des Bauges AOP, l’orthographe avec un seul “m” n’ a été privilégiée que pour se démarquer de ses voisines alpines dont la très grande majorité fait partie du camp des tommes avec deux”m” !
Donc maintenant en cas de doute, je vais choisir d’écrire la tomme avec deux”m”… j’ai bien plus de chance de ne pas faire d’erreur !